Malgré une nuit pénible où elle eut tout le mal du monde à trouver le sommeil, la vie semblait lui sourire aujourd’hui. Abandonnant l’idée d’avoir une nuit paisible, elle s’était levée à l’aube pour aller prendre un bon bol d’air. Et quelle balade satisfaisante se fut! Au détour d’une ruelle, elle était tombée sur une scène qui l’avait autant ravie que fascinée. Un rat faisait tout ce qu’il pouvait pour sauver sa vie d’un chat de ruelle affamé. Entre deux coups de patte d’une violence inouïe, le rat bondissait et, incisives bien sorties, tentait de se faire gros et menaçant face au prédateur qui n’avait qu’un seul but : l’avaler.

Le combat avait duré longtemps – au moins une bonne quarantaine de minutes – et s’était terminé dans un dernier couinement et une giclée écarlate. Le félin était parvenu à planter ses crocs dans le cou du rongeur, et l’adolescente devina qu’il avait rompu la jugulaire. De peur que la petite humaine curieuse lui vole son goûter, le chat prit sa proie dans sa gueule et s’éloigna. Himiko le suivit, intriguée, non sans s’arrêter devant le chef-d’œuvre qu’avait peint le chat. Un véritable artiste! Sourire aux lèvres, elle finit par s’accroupir à quelques mètres de lui, les mains cachées dans ses manches amples posées sur ses genoux. Tout ce qui rappelait que l’amas de chair au sol avait été un rat d’égout quelques instants auparavant était la longue queue rose encore intacte, que le chat eut tôt fait d’avaler à son tour.

Repu, il reprit sa route, non sans faire le dos rond et de lâcher un petit feulement d’avertissement à l’adolescente qui, curieuse de savoir s’il allait trouver une autre innocente créature à se mettre sous la dent. Peu impressionnée, elle se redressa et sortit à son tour de la ruelle… pour voir le chat se faire happer par un camion lourd qui déboulait à toute vitesse. Himiko s’arrêta net, écarquillant les yeux et entrouvrant la bouche. Si elle avait un peu de peine pour le pauvre animal, le rouge qui se répandait sur le bitume lui imprima un large sourire aux lèvres. Ses joues se tintèrent de rose, et elle porta ses mains à son visage. Heureusement pour elle, les rues étaient encore désertes. Même si elle ne se promenait pas dans les plus beaux quartiers, elle avait tendance à souvent passer pour une vraie illuminée. Qui pouvait les blâmer? Voir une adolescente en pleine extase devant le cadavre frais d’un mignon félidé n’avait rien de commun. Mais c’était bien là l’exemple même que le malheur des uns fait le bonheur des autres.

C’est donc la tête pleine de belles images qu’elle avait tourné les talons pour revenir au bar. Elle chantonnait joyeusement une chanson popularisée par un groupe d’idoles, espérant qu’en poussant la porte des membres du petit clan allaient être levés. Elle avait envie de s’amuser, et tout le monde sait que plus on est de fous, plus on rit. Lâchant sa dernière note en ouvrant la porte, elle sourit à pleines dents en voyant une silhouette se découper dans la lumière tamisée du petit commerce, et encore plus quand elle reconnut la tignasse ébouriffée de Dabi, une de ses victimes préférées.

« Bon matin, Dabi-kun! », s’écria-t-elle, n’ayant que faire que le reste du groupe soit encore dans les bras de Morphée. Elle pressa le pas et se jeta à son cou par derrière, le serrant fort. « Tu as bien dormi? Pas moi! Mais la journée a bien commencé. Tu as des choses de prévues aujourd’hui? »

Oh, elle débordait véritablement d’énergie. Et elle devait la dépenser, et vite. Avant même qu’il n’ait l’occasion de répondre à sa série de questions, elle passa à la prochaine.

« Si t’as rien de prévu, tu veux bien jouer avec moi? Je crois avoir une idée! »